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Le guichet unique électronique des formalités des entreprises : un projet à sécuriser

Depuis 1981, sept réseaux de centres de formalités des entreprises (CFE) permettaient aux entreprises d’effectuer les formalités relatives à leur création, aux modifications de leur situation et à la cessation de leur activité. Poursuivant un objectif de simplification, la loi PACTE a prévu la mise en place d’un guichet unique électronique se substituant aux CFE et permettant de surcroît de dématérialiser ces formalités. Parallèlement, elle a également créé un registre national des entreprises (RNE), destiné à devenir l’unique registre auprès duquel doivent s’immatriculer les entités exerçant une activité économique sur le territoire français, en lieu et place des divers registres préexistants. La création d’un guichet unique électronique constitue une réforme complexe, bouleversant l’organisation des systèmes d’information des différents acteurs concernés. D’importants dysfonctionnements ont été constatés lors de la mise en service du guichet unique et du RNE prévue au 1er janvier 2023, qui ont rendu nécessaire d’activer une procédure de secours. Dans ce contexte, la Cour a souhaité conduire un audit flash pour identifier les causes des difficultés rencontrées et apprécier dans quelle mesure les ajustements décidés permettent de résoudre les problèmes constatés au démarrage du projet.

La mise en œuvre chaotique du guichet unique électronique des formalités des entreprises

Pour assurer le pilotage stratégique du projet, une mission interministérielle placée sous l’autorité du ministre de la justice, et des ministres de l’économie et du budget, a été créée dès juillet 2019. L’Institut national de la propriété industrielle (Inpi) a été désigné comme opérateur du guichet unique et chargé de tenir le RNE. L’ouverture partielle du guichet unique, anticipée au 1erjanvier 2022 pour les seules formalités de création alors que les CFE étaient maintenus, n’a pas permis de vérifier la capacité du système à gérer des flux d’information importants. En janvier 2023, à la date prévue pour la bascule de toutes les formalités sur le guichet unique, les fonctionnalités relatives aux modifications et aux cessations n’étaient pas opérationnelles. Une procédure de secours a dû être activée. Initialement prévue pour se terminer fin juin, elle a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2023. La généralisation, au 1erjanvier 2023, de la fonctionnalité « création d’entreprises » sur le seul guichet unique (avec la fermeture concomitante des autres voies) et la mise en œuvre de la procédure de secours pour les formalités de modification et de cessation d’entreprises ont été marquées par d’importants
dysfonctionnements. Cette situation a fortement pénalisé les entreprises, d’autant plus que le dispositif d’assistance aux utilisateurs s’est révélé insuffisant.

Une échéance initiale irréaliste compte tenu de l’ambition du projet

La loi PACTE n’a pas été précédée d’une analyse suffisamment approfondie des impacts et des modalités de mise en œuvre de la réforme. En raison de ces insuffisances, les décisions finalement prises pour mettre en place ce guichet unique ont été sensiblement éloignées de la solution initialement envisagée. Sur le plan technique, il a finalement été décidé de développer un système d’information totalement nouveau. Sur le plan fonctionnel, la connexion pourtant indispensable avec le registre national des entreprises (RNE) n’avait pas été prise en compte. Dans ces conditions, dès 2020, l’objectif d’une ouverture du guichet unique des entreprises au 1erjanvier2023 n’apparaissait pas réaliste. En dépit de ces lacunes originelles, des inévitables difficultés rencontrées dans le développement du projet et des nombreuses alertes émises par les différentes parties prenantes, les arbitrages ministériels ont toujours privilégié le respect du calendrier initial.

Une gouvernance et un pilotage inadaptés au projet

La gouvernance et le pilotage du projet reposant sur une mission interministérielle pour la maîtrise d’ouvrage stratégique et sur l’INPI pour la maîtrise d’œuvre se sont avérés insuffisants pour un projet d’une telle ampleur qui aurait nécessité la mise en place d’une véritable maîtrise d’ouvrage opérationnelle. Un directeur de projet aurait dû être désigné pour animer des groupes de travail réunissant les représentants des différents partenaires et utilisateurs, définir les besoins et les fonctionnalités, assurer le pilotage de l’INPI et procéder quand cela était nécessaire aux arbitrages techniques. Ce n’est qu’à l’été 2023 que ce défaut initial de structuration a commencé à être corrigé en intégrant l’ensemble des acteurs.

Des perspectives sans garantie d’une résolution rapide des difficultés

À l’automne 2023, la situation globale du guichet unique tend à s’améliorer. La gouvernance et le pilotage du projet sont en cours d’ajustement. Il reste cependant de nombreux dysfonctionnements à traiter. Les actions correctives menées par la direction générale des entreprises, au cours du second semestre 2023 interviennent tardivement et ne paraissent pas de nature à résoudre l’ensemble des difficultés d’ici la fin de l’année. Dans son rapport finalisé il y a un mois, la Cour estimait donc qu’il n’était pas possible d’exclure que l’échéance du 1erjanvier 2024, à partir de laquelle toutes les formalités devaient être exclusivement réalisées sur le guichet unique, soit marquée par d’importants dysfonctionnements. Cette alerte prémonitoire était particulièrement pertinente. En effet, c’est sans doute la prise en compte de ce risque qui a incité le ministère à décider d’une nouvelle prolongation de la procédure de secours jusqu’à la fin de l’année 2024. Au final, compte tenu de ce nouveau délai annoncé cette semaine, le projet aboutirait au 1er janvier 2025, à une échéance qui aurait pu être raisonnablement fixée au départ compte tenu de la complexité du projet et aurait épargné des difficultés.

Article publié le 31 janvier 2024.


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