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En Marche vers la création d’un délit d’opinion

« Je ne peux pas laisser dire qu’on réduit les libertés en France », affirmait le 4 décembre dernier Emmanuel Macron au cours d’une interview accordée en catastrophe pour tenter de limiter l’onde de choc provoquée par la diffusion de nouvelles vidéos faisant état de brutalités policières en plein débat sur le projet de loi « Sécurité globale » - texte qui entend interdire le fait de filmer les policiers en « action ».

Le même jour pourtant, plusieurs décrets liberticides étaient publiés après un avis favorable du Conseil d’État. La plus haute juridiction administrative a d’ailleurs confirmé son premier avis en rejetant le 4 janvier les requêtes des syndicats qui dénonçaient l’élargissement des fichiers de renseignement de la sécurité intérieure.

Au nom de la sûreté de l’Etat, la police et la gendarmerie ont ainsi été autorisés à ficher les opinions politiques, appartenances syndicales et données de santé des personnes sur lesquelles, elles enquêtent.

Concrètement, le gouvernement a introduit trois discrètes mais profondes modifications du code de la sécurité intérieure, concernant trois fichiers qui existaient déjà.

Le premier est le fichier EASP (enquêtes administratives liées à la sécurité publique) utilisé avant le recrutement de fonctionnaires sur des postes sensibles. Les deux autres fichiers sont le Pasp (prévention des atteintes à la sécurité publique), et le Gipasp (gestion de l’information et prévention des atteintes à la sécurité publique) et compilent des informations liées aux atteintes à la sécurité de l’État. Début novembre, 350 000 personnes étaient inscrites sur ces fichiers.

Dans tous ces fichiers, on trouvera désormais l’appartenance d’individus à un parti, à un syndicat, l’appartenance religieuse ou philosophique, les habitudes de vie, les comportements sur les réseaux sociaux (les identifiants, les photos, les commentaires postés sur internet). Se trouveront également compilés et la pratique sportive, et l’orientation sexuelle ou encore des données de santé comme les troubles psychologiques ou psychiatriques. Outre les personnes physiques, les « personnes morales », telles que les associations, sont également ciblées.

De plus, ces fichiers du ministère de l’Intérieur sont automatisés, c’est-à-dire que les fonctionnaires habilités peuvent les renseigner et les interroger en un clic sans intervention d’un juge. Rappelons qu’en 2008, un fichier baptisé "Edvige", qui prévoyait notamment de recenser des personnes qui exerçaient ou avaient exercé un mandat politique, syndical ou économique, avait suscité un tel tollé qu’il avait été retiré.

Après l’Etat d’urgence sanitaire, la tentative avortée d’imposer la loi Avia, le projet de loi Sécurité globale, ces nouveaux décrets permettent le passage d’une logique de fichage d’activités à un recensement d’opinion est un énième marqueur de la dérive autoritaire naturelle d’un pouvoir ultralibéral et autoritaire en roue libre.

Article publié le 9 mars 2021.


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