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Le prurit de l’impérialisme démange les États capitalistes

Prurit : démangeaisons, sensation irritante désagréable qui donne envie de se gratter et qui peut concerner n’importe quelle partie du corps. Au sens figuré, le prurit impérialiste renvoie à cette compulsion de toute multinationale et de tout État capitaliste à conquérir de nouveaux marchés, de nouvelles sources de plus-value et de nouvelles zones d’influence dominées par une puissance rivale voisine.

Par Khider Mesloub et Robert Bibeau.

Le conflit militaire entre le grand capital russe et le proxy ukrainien s’immolant pour le bénéfice du grand capital occidental (OTAN) avait offert une occasion inespérée aux gauchistes et aux tiers-mondistes de toutes obédiences pour fustiger « l’impérialisme américain », désigné comme le principal responsable de l’escalade guerrière mondiale, comme l’unique coupable de toutes les guerres impérialistes. (1)

L’actuel guerre exterminatrice menée par le proxy israélien contre la bourgeoisie palestinienne et contre le peuple palestinien martyr leur offre un second souffle pour mobiliser leurs troupes dans plusieurs capitales afin de conspuer les forces impériales israéliennes, enfants chéris de l’impérialisme allemand totalitaire et de l’impérialisme américain "démocratique" (sic).

Or, contrairement à l’opinion gauchiste dominante communément répandue, notamment dans les pays du Tiers-Monde, les États-Unis, tout comme Israël, ne détiennent pas le monopole de l’impérialisme et de la barbarie.

Depuis plus d’un siècle, l’impérialisme constitue le mode de fonctionnement normatif de tout État intégré à la mondialisation dominée par des tensions commerciales et géopolitiques permanentes, vectrices de conflits armés récurrents. La politique d’affrontement chronique, devenue la modalité de gouvernance de la totalité des États inscrits dans des enjeux géopolitiques impérialistes marqués par des rivalités commerciales mondiales, des jeux diplomatiques opportunistes et des retournements d’alliances calculés, débouche inexorablement sur la guerre ouverte et l’adoption du militarisme comme régulateur économique et social.

Globalement, l’impérialisme peut être défini comme le mode de production et de fonctionnement de pays œuvrant à la conservation ou à l’extension de leur puissance économique (accumulation du capital) et militaire (accumulation de forces répressives) sur d’autres pays ou territoires convoités pour leurs richesses (capital mort), pour leur plus value (capital vivant) ou pour leurs emplacements hautement stratégiques (capital virtuel ou de situation). De ce point de vue général, l’impérialisme fut l’apanage de nombreux anciens empires (romain, ottoman, chinois, espagnole, japonais), fondés sur une politique de conquête et de domination constante. L’impérialisme moderne est l’étape ultime de développement économique, industriel, technologique, commercial, politique, diplomatique, militaire, idéologique et culturel des pays vivant sous le mode de production capitaliste mondialisé.

Néanmoins, dans le mode de production capitaliste, l’impérialisme revêt un caractère singulier. Comme l’a écrit Rosa Luxemburg : « la tendance du capitalisme aux expansions constitue l’élément le plus important, le trait remarquable de l’évolution moderne. En fait l’expansion accompagne toute la carrière historique du capital, elle a pris dans sa phase finale actuelle, l’impérialisme, une énergie si impétueuse qu’elle met en question toute l’existence civilisée de l’humanité ».

Cette définition permet de comprendre la spécificité de l’impérialisme contemporain ancré dans un capitalisme mondialisé miné par la crise économique systémique et déchiré par la lutte de classe permanente, engendrant des tensions commerciales incessantes et des conflits militaires récurrents, transformant continuellement la planète en fronts de guerre et champs de ruines.

Depuis l’unification du marché mondial, au début du 20e siècle, départagé en zones d’influence entre les États capitalistes avancés et les États capitalistes émergents, tous rivaux avant que d’être alliés, l’exacerbation de la concurrence entre les corporations multinationales et entre les États, suscitée par la crise permanente de surproduction structurelle, conduit implacablement à l’aggravation des tensions militaires, au développement du militarisme (fasciste) matérialisé par l’augmentation exponentielle des armements, et la subordination de l’ensemble de la vie sociale aux impératifs de l’économie de guerre pour que le système capitaliste survive.

En dernier ressort, cette dynamique systémique, inscrite dans les gènes du monstre capitaliste mène à la guerre généralisée et permanente. Nous insistons, ce n’est pas le racisme, la surexploitation de la femme, la xénophobie, la pédophilie, ou les autres tares des civilisations occidentales et orientales qui sont systémiques sous l’impérialisme, c’est l’exploitation de la classe prolétarienne internationale par le grand capital mondialisé qui est systématique et systémique. Sous le capitalisme en phase impérialiste toute richesse (tout capital) est le produit de l’exploitation de classe.

De la même manière que les capitalistes individuels, et les trusts internationaux s’activent à valoriser et à augmenter sans cesse leur capital par la compétition économique, les États nationaux œuvrent constamment à étendre leur puissance par la compétition militaire et par la guerre...de fait, les gigantesques corporations multinationales et les États bourgeois (grands et petits) sont muent - conditionnés - dans leurs activités par la même pulsion expansionniste que chacun des grands capitalistes milliardaires qui constituent la classe capitaliste mondialisé gestionnaire du monde impérialiste.

L’impérialisme ne porte plus sur la possession de colonies en propriété exclusive. C’est dorénavant un système total dans lequel aucun consortium, aucun trust, aucune méga firme et aucun État capitaliste ne peut survivre sans essayer d’étendre ses marchés et ses zones d’extraction de plus-value aux dépens des autres, un système dont la logique est la militarisation systémique et la guerre totale.

Jusqu’à présent, l’idéologie gauchiste qualifie d’impérialiste un État ou un ensemble d’États, du fait de leur puissance économique et militaire, et de leurs entreprises interventionnistes, expansionnistes aventureuses. Curieusement, il s’agit toujours d’un État occidental ou du bloc atlantiste, désigné systématiquement comme unique responsable de la barbarie guerrière perpétrée dans le monde. Or, sous le capital impérialiste, certes les États ne disposent pas de la même puissance économique et militaire. Mais tous les États, quels que soient leur poids économique et leur place sur l’échiquier géopolitique, sont éperonnés par la même pulsion impérialiste, le même besoin d’hégémonie et de domination...sinon cette multinationale, privée ou étatique, est condamnée à disparaître...absorbée par ses concurrents. Chaque entité capitaliste est aiguillonnés par le même esprit de prédation, de conquête de nouveaux marchés afin de parvenir à valoriser son capital (national et transnationale). Les alliés capitalistes mondialisés sont à la fois associés cordiaux et concurrents coriaces. Pour s’affronter, ils trouvent plus avantageux de se regrouper en alliances ou blocs continentaux. L’Alliance Atlantique États-Unis-OTAN ou l’Alliance du Pacifique (USA-Japon-Australie-Taiwan-Corée du Sud), contre l’Alliance Asiatique (Chine-Russie-Iran- CEI), OCS (l’Organisation de coopération de Shanghai), ou contre les BRICS soi-disant "multipolaire" (sic). Toutes et chacune de ces alliances impériales agressives conspirent pour accroître son capital par l’accumulation de la plus-value ouvrière. Elles constituent autant de menaces pour les prolétaires révolutionnaires internationalistes.

Une fois admise cette réalité économique et politique inhérente à l’époque de l’impérialisme contemporain, dominée par les tensions commerciales et les rivalités géopolitiques, la distinction établie entre les États oppresseurs et les États opprimés devient inadéquate, irrecevable, inacceptable. Car, dans l’arène mondiale bouleversée par des rapports de force de domination, tous les États sont à la fois en collaboration (commerce-échange) et en concurrence commerciale et en rivalités géopolitiques. Par ailleurs, chaque État s’inscrit dans les enjeux d’alliances diplomatiques et militaires, s’agrège à un bloc économique et commercial impérialiste. À l’ère de l’impérialisme, la neutralité est une duplicité. Ce n’est pas l’allégeance d’un politicien opportuniste qui établit l’allégeance d’un État bourgeois à une alliance économico-militaire. Ce sont les intérêts économiques des entreprises exploitant la main d’oeuvre nationale qui déterminent l’allégeance de l’État-nation à une alliance impérialiste ou à une autre.

Aussi, faut-il dénoncer la distinction établie par les gauchistes et par les nationalistes chauvins bourgeois entre pays agresseur et pays agressé car elle sert à justifier les guerres « défensives ». Au reste, l’incrimination du seul impérialisme supposément agressif, allégué par la propagande adverse, légitime l’enrégimentement de la population et du prolétariat dans les guerres nationalistes chauvines et toujours réactionnaires comme nous pouvons l’observer dans la guerre de proxy entre le sionisme israélien et l’islamisme arabe et dont souffre tellement le peuple palestinien martyr.

L’ennemi de classe est d’abord à l’intérieur du pays agresseur et à l’intérieur du pays agressé. L’allié de classe est à l’intérieur des pays agresseurs et des pays agressés. La classe prolétarienne est "génétiquement" internationaliste sous l’impérialisme et elle doit s’allier aux contingents "nationaux" de chaque État impérialiste afin de détruire de l’intérieur l’État des riches agresseurs et des riches agressés.

Quoi qu’il en soit, depuis un siècle, le militarisme et l’impérialisme constituent le mode de fonctionnement systématique du capitalisme. À l’ère de l’impérialisme triomphant, tous les États sont fondés sur une économie de guerre. Et, ces dernières décennies, sur le militarisme « démocratique » bourgeois. Plus que jamais, l’économie – les rapports de production bourgeois – sont au service de la guerre comme moyen de se disputer l’accès aux ressources et d’aliéner les moyens de production et les forces productives afin d’assurer la valorisation du capital au profit d’un bloc impérialiste ou d’un autre. La scandaleuse flambée des dépenses militaires en pleine crise économique, crise sanitaire « pandémique », guerre ukrainienne, guerre génocidaire contre Gaza martyr, vient rappeler que le capitalisme est un mode de production décadent. Au moment où tous les budgets sociaux sont déclarés en mort cérébrale, le budget de la mort militaire connaît une résurrection extraordinaire, affiche une santé financière indécente. Depuis le début de notre siècle, c’est-à-dire en vingt ans, les dépenses militaires dans tous les pays ont doublé, illustration de la militarisation des États aux ordres du grand capital mondialisé.

Avec l’aggravation de la crise économique mondiale et la dissolution de la discipline diplomatique interétatique (le soi-disant droit international basé sur les règles du capital), chaque pays capitaliste est en proie au prurit impérialiste, qui l’accule à gratter quelques kilomètres carrés du territoire de son voisin, à s’accaparer ses marchés et à piller ses richesses, sa plus-value.

Poutine avait ouvert le bal impérialiste en s’emparant de la partie la plus riche du territoire ukrainien. Depuis lors, plusieurs États lui ont emboîté le pas. Israël a déclenché une guerre d’extermination contre le peuple Palestiniens pour annexer leur territoire, Gaza, afin de s’emparer de ses gisements gazier et pétrolier. Plusieurs autres États capitalistes s’apprêtent à envahir les territoires de pays voisins. Le Venezuela veut faire main basse sur le pétrole de son voisin, le Guyana.

La Serbie s’apprête à s’emparer du nord du territoire des Balkans à majorité albanaise.

En Argentine, le nouveau président populiste Javier Milei s’est engagé à « récupérer » les îles Malouines, territoire britannique baignant au large des côtes du pays. Milei a martelé que la chose était « non négociable ». Il a promis de ramener les îles Malouines dans le giron argentin, une déclaration belliciste qui ranime le spectre de la guerre qui a eu lieu en 1982 entre le Royaume-Uni et l’Argentine deux pays impérialistes.

Le Maroc veut accélérer et achever sa politique impérialiste d’annexion définitive du Sahara occidental. Sans oublier que le régime monarchique marocain lorgne toujours le Sud algérien (Tindouf, Bechar).

Selon les données de l’ONU, la carte des territoires disputés disponible ne cesse de s’élargir. Actuellement, 126 des 197 États reconnus par l’ONU ont au moins un différend frontalier, soit 65 % des États à l’échelle internationale.

Aussi, avec le relâchement de la discipline diplomatique et le développement du « chacun pour soi national », la majorité des pays pourrait se lancer dans des conflits frontaliers sanglants, des guerres de conquête génocidaires.

Article publié le 31 janvier 2024.


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