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Un pays paralysé par la grève contre l’austérité et le FMI

Un immense mouvement contre la politique de libéralisation financière du président Macri et l’annonce de coupes drastiques dans les budgets sociaux a transformé, lundi, Buenos Aires et les grandes cités du pays en villes mortes.

La grève générale du lundi 25 juin a fait le plein en Argentine. À l’appel des principales organisations syndicales et des partis de gauche, le mouvement a totalement paralysé le pays. Il était destiné à dénoncer la politique antisociale du gouvernement et son aggravation programmée par la conclusion d’un accord avec le Fonds monétaire international (FMI), qui vient d’échanger l’octroi d’un prêt de 50 milliards de dollars (41 milliards d’euros) contre des mesures d’austérité renforcées.

Juan Carlos Schmid, dirigeant de la Confédération générale des travailleurs argentins (CGT), relève que ce fut « la grève la plus importante des huit dernières années ». Pas d’avions, pas de trains, pas de taxis, aucun autobus, des écoles publiques fermées, les rues de Buenos Aires étaient désertes ce lundi, empruntées seulement par quelques rares voitures particulières. Car une immense majorité de citoyens avaient décidé si ce n’est de participer directement, à tout le moins de s’associer au mouvement de grève, des sondages laissant apparaître qu’une écrasante majorité de la population rejette et la politique du gouvernement de droite du président Mauricio Macri et la nouvelle purge que veut imposer le FMI.

Sous les effets de la politique de déréglementation du président – un richissime homme d’affaires qui fut élu fin 2015 contre Cristina Kirchner, une dirigeante du centre gauche péroniste –, la situation des salariés argentins n’a cessé de se détériorer. Macri a supprimé nombre de subventions aux services d’électricité, de transports, de gaz et d’eau. Résultat : la hausse des factures rogne le pouvoir d’achat. Et aujourd’hui, alors que les salaires des Argentins continuent de stagner, l’inflation prend une dimension vertigineuse.

La hausse des prix vient d’atteindre 26 % sur les douze derniers mois. Elle a connu un coup d’accélérateur dans les dernières semaines. Car les conséquences délétères des choix économiques du gouvernement Macri se conjuguent à un contexte international qui pèse de plus en plus fortement sur l’ensemble des pays dits émergents. Contrecoup de la politique économique « accommodante » de Trump, les capitaux sont de plus en plus siphonnés aujourd’hui vers la place états-unienne. Pour faire face, la banque centrale argentine s’est vue contrainte de porter son taux directeur au niveau prohibitif de 40 %. Ce qui a pour corollaire un coût du crédit exorbitant pour tous les acteurs de l’économie nationale.

Les syndicats revendiquent de fortes hausses de salaires et exigent la réouverture des négociations paritaires qui s’étaient tenues avant l’explosion de l’inflation enclenchée au mois d’avril avec une dévaluation brutale du peso, qui a perdu en quelques semaines plus de 30 % de sa valeur. Plusieurs responsables des partis de la gauche argentine estiment qu’il va falloir entamer « un véritable plan de lutte » pour mettre en échec « le plan de guerre engagé par le gouvernement et le FMI contre les travailleurs ».

L’accord conclu avec l’institution de Bretton Woods prévoit des privatisations et des coupes dans les budgets sociaux qui vont encore accroître les souffrances des populations les plus démunies. Ce sont là « d’ambitieux objectifs budgétaires à moyen terme et des objectifs d’inflation réalistes », a commenté Christine Lagarde. Mais ce beau morceau de langue de bois technocratique cache aussi mal l’embarras de l’institution de Washington que celui du pouvoir de Buenos Aires, qui invoque, lui, « une incontournable modernisation ».

Tous deux sont sur la défensive. Ils savent ces choix impopulaires, tant les interventions passées du FMI ont laissé un souvenir cuisant. Entre 1998 et 2001, sept plans d’austérité ont été imposés au pays en échange d’aides financières. Loin de soigner le malade, ils l’ont finalement poussé jusqu’à la faillite. De quoi mieux comprendre les ressorts de la mobilisation de ce lundi. Tout un peuple se cabre contre une réédition du cauchemar. Quant au bruyant satisfecit accordé par la Maison-Blanche à la « réforme du président Macri » qui correspondrait à « une vision juste de l’économie argentine », il alimente encore davantage de désarroi et d’inquiétudes. Un « combat crucial est engagé », soulignent syndicalistes, citoyens et dirigeants des partis de gauche argentins, qui entendent « prolonger et intensifier les rendez-vous de luttes ».

Bruno Odent

Article publié le 27 juin 2018.


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