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Val-d’Oise : le brassard de gréviste met le feu chez les pompiers

La direction des pompiers du département lance des procédures disciplinaires contre les grévistes arborant leur brassard pendant les gardes. Une atteinte au droit de manifester selon les syndicats, juste un rappel du devoir de réserve rétorque la hiérarchie.

Par Antoine Guitteny

En grève depuis le 26 juin, les pompiers de France ne décolèrent pas, ceux du Val-d’Oise encore moins. À l’impression commune de ne pas être entendu, s’ajoute dans le département, un sentiment d’injustice. « Nous sommes grévistes mais nous continuons évidemment nos missions de secours si on a fait appel à nous », explique Peter Gurruchaga, secrétaire général de la CGT du service départemental d’incendie et de secours (Sdis) du Val-d’Oise. « Notre seule façon de faire connaître notre message, c’est de porter en service un brassard, de poser une banderole sur un camion, un bâtiment… Mais ça déplaît à notre hiérarchie », continue-t-il arborant, comme la quinzaine d’autres pompiers avec lui, le fameux brassard devant la caserne d’Argenteuil.

Quel message ? « Notre crainte c’est de ne plus pouvoir assurer nos missions dans des conditions suffisantes de sécurité. Et si nous sommes en danger, la population aussi », développent les pompiers. « Le Samu, les urgences, la police sont comme nous : en manque d’effectif. Le souci est que nous arrivons en bout de chaîne. Si le Samu ou la police ne peuvent intervenir, on renvoie sur qui ? Sur nous ! »

Une vingtaine de procédures en cours

Pour le syndicaliste, malgré des recrutements récents , il manque « 160 agents professionnels » dans le Val-d’Oise, qui en compte près de 1 000. Et de déplorer le recours systématique aux pompiers volontaires (1 400 selon le Sdis, 1 600 selon la CGT) pour combler les manques. En 2017, en France, les effectifs des pompiers étaient composés à 79 % de volontaires (194 975 contre 40 537 pros).

Aujourd’hui, « 20 blâmes et deux demandes d’exclusion d’un jour ont été lancés. Non pas pour le port de brassard mais pour refus d’obéissance suite aux ordres de retirer ce brassard », détaille Peter Gurruchaga. « Tout le monde est choqué de ces méthodes pour casser la grève », appuie un pompier. « Pour la hiérarchie, on choque le public avec nos brassards. Mais en quoi ça gène notre mission ? » Lancée sur Change.org, une pétition de soutien a déjà réuni plus de 1 000 signatures.

« Les agents ont le droit de manifester, mais pas pendant le service »

La hiérarchie, elle, « ne comprends pas » le message des grévistes : « Écrire sur des banderoles : Population en danger, c’est manquer de respect à la population. Ils cherchent à alerter mais ne disent pas que le budget a augmenté, que l’investissement a été relancé, qu’on modernise le parc matériel et qu’on recrute : 48 professionnels dernièrement et près de 250 volontaires depuis le début de l’année. »

Et de relativiser les sanctions : « Si, à la prise de garde, l’agent porte un signe indiquant qu’il est gréviste, il lui est demandé de l’enlever. Il a le choix. S’il refuse, on lance une procédure disciplinaire. Il est reçu par la hiérarchie qui lui demande à nouveau de le retirer. S’il le garde, on poursuit la procédure. Nos agents ne sont pas pris en traître. Quand ils prennent une garde, ils ont un devoir de réserve, un devoir de neutralité. »

CE QUE RÉCLAMENT LES POMPIERS

Avec plus de 85 % des effectifs représentés par sept des huit syndicats mobilisés, le mouvement des pompiers de France est sans précédent depuis vingt ans. Dans le Val-d’Oise, près de 150 grévistes sont comptabilisés sur les 1 000 professionnels que compte le département. Une mobilisation moins « forte » localement que Peter Gurruchaga, de la CGT Sdis du Val-d’Oise, explique par cette politique de sanction et le manque à gagner sur des salaires déjà faibles.

En plus de l’augmentation des effectifs, les pompiers réclament également une revalorisation significative de la prime de feu, qui n’a pas été revue depuis 1990. Ils veulent également le retrait du projet de loi de transformation de la fonction publique, car ils craignent un recours massif à des contractuels, sans formation, sans concours. Par ailleurs, ils demandent un vrai suivi médical : « Les particules fines, le plomb, l’amiante, plonger dans la Seine polluée… On fait des missions à risques et le suivi n’est pas à la hauteur », estime le syndicaliste.

Article publié le 5 août 2019.


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