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Affaire benalla. EU Disinfo Lab, tel est pris qui croyait prendre

Depuis une semaine, une étude fait polémique. Après avoir publié des données, preuves pour LaREM d’une ingérence russe dans la médiatisation du scandale, l’association est accusée d’avoir opéré un « fichage politique » sur Twitter.

Qu’il semble loin le temps où le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux disait se « réjouir que toute la transparence soit faite ». Son soulagement remonte à une semaine, alors que circule l’hypothèse d’une manipulation de l’affaire Benalla sur le réseau social Twitter. L’origine ? Les prémices d’une étude, menée par l’association EU Disinfo Lab basée à Bruxelles, qui a pour objectif affiché depuis 2017 de lutter contre la désinformation. Ses données brutes, sorties de l’ombre par l’AFP le 3 août afin d’analyser le retentissement de l’affaire Benalla sur Twitter, montraient que 4 millions de tweets avaient été publiés par quelque 250 000 personnes. Mais surtout que « 1 % des comptes ont publié 44 % du contenu », dont une partie serait, poursuit l’association, « pro-Mélenchon », « pro-Rassemblement national (ex-FN – NDLR) » ou « russophiles », du fait de relais d’articles de RT France ou Sputnik. Des comptes parfois « à pseudonymes ou automatisés », est-il noté.

Une dizaine de personnes ont déjà saisi la Cnil

Le tollé avait été immédiat tant l’étude revenait à démontrer, in fine, que le scandale Benalla était monté de toutes pièces, et à évacuer l’origine même de l’emballement sur Internet, soit une enquête du Monde, puis des révélations journalistiques en chaîne. Plus tard, les chercheurs ont publié les conclusions de l’étude où l’influence de comptes « russophiles » a disparu, laissant place à des données recensées dans trois fichiers. Tout ceci dans un « souci de transparence », après les critiques acerbes sur la méthodologie de l’association, selon Nicolas Vanderbiest, l’un de ses fondateurs. Problème : l’un des fichiers – inaccessible depuis – recense chaque profil qui a pu tweeter ou retweeter des éléments concernant l’affaire Benalla, sans aucune anonymisation et par orientation politique. Parmi eux, des militants mais aussi des parlementaires – Fabien Gay, Éric Ciotti, Jean-Luc Mélenchon… – et des journalistes. Pour le PCF, ce document a tout d’un « fichage politique totalement illégal », pour lequel le parti demande des « investigations poussées diligentées par les autorités françaises ».

Une dizaine de personnes ont déjà saisi la Commission nationale informatique et libertés (Cnil). « La collecte et le traitement de données à caractère personnel sont soumis au RGPD (règlement général sur la protection des données) (…). L’ONG à l’origine de l’étude étant située en Belgique, la Cnil instruira les plaintes dont elle a été saisie dans le cadre de la coopération européenne instaurée par le RGPD », a répondu la commission. Pour l’association de défense des libertés numériques la Quadrature du Net, cette pratique va en effet à l’encontre de l’article 6 du règlement européen : « Publier des données personnelles sans consentement est toujours illicite, si ce n’est nécessaire à aucun objectif. » Jusqu’à cet épisode, les premières conclusions de l’étude ont été récupérées par la majorité LaREM, déjà prompte à défendre l’idée que l’affaire n’intéresse « que dans le microcosme parisien », alors même que les audiences des chaînes parlementaires ont explosé et que les sondages indiquent le contraire. Le parti de la « droite constructive », Agir, a même interpellé Philippe Bas, président LR de la commission d’enquête du Sénat, sur cette « manipulation attribuée aux comptes russophiles sur Twitter pour déstabiliser l’exécutif français ». EU Disinfo Lab, qui dit lutter contre la manipulation de l’information, a exprimé sa surprise face à « la médiatisation » de son travail, « son détournement et sa récupération politique ». L’arroseur arrosé ? Reste que l’indépendance politique affichée par cette « ONG » semble bancale. « Financée exclusivement par Twitter à hauteur de 100 000 euros », selon Arrêt sur images, elle compte parmi ses partenaires rien de moins que l’Union européenne, envisagée comme futur financeur, et le think tank américain Atlantic Council. De plus, les membres de l’équipe de chercheurs composent l’organigramme du cabinet de conseil bruxellois Saper Vedere, qui propose ses expertises aux ONG, entreprises privées et institutions.
Audrey Loussouarn

Article publié le 13 août 2018.


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