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Rapport de la Cour des Comptes sur le télétravail dans la fonction publique : une approche purement budgétaire qui menace gravement les agents

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Publié en novembre 2022, le rapport de la Cour confirme les craintes de la CGT sur une vision purement utilitariste et génératrice d’économies du déploiement du télétravail dans la fonction publique. Largement inspirée des (pires) pratiques du privé et bien loin des attentes des agents publics, les opportunités de meilleures organisations du travail et de nouvelles formes d’accueil s’annoncent au moins disant, bien loin de l’administration moderne revendiquée.

Petit décryptage de la vision « ultralibérale » de la Cour, en reprenant les arguments du rapport et en les confrontant à la réalité du terrain et aux revendications de la CGT (les titres sont ceux du rapport de la Cour)…

1 Une accélération très volontariste de la mise en place du télétravail.

La Cour est obligée d’admettre en introduction que la période de la pandémie liée à la COVID-19 ne constitue pas réellement une expérimentation du télétravail, peu usité jusque-là, compte tenu de son caractère contraint. Cette période a malgré tout ouvert la voie à la banalisation du télétravail. Bien loin d’une simple adaptation, le constat est partagé sur les changements majeurs de l’organisation et des conditions du travail, la Cour évoquant un changement de paradigme.

Discrètement évacué en introduction, ce point a été soulevé dès 2020 par la CGT qui n’a jamais utilisé le terme de télétravail pour la période de la pandémie mais celui de travail à distance contraint. En effet, dans l’urgence de la situation, ce mode de travail s’est imposé brutalement et de manière irréversible alors que rien n’était prêt en matière d’outils ou de méthodes de travail ! La CGT s’est régulièrement positionnée contre toutes les mesures visant à s’appuyer sur cette période pour poser les bases des futures organisations du travail.

La Cour rejoint d’ailleurs cette analyse en évoquant que la progression importante du nombre de télétravailleurs, cependant cantonnée aux fonctions administratives sans contact physique avec le public, n’a pas été sous-tendue par une réflexion d’ensemble.

Malheureusement, la réflexion d’ensemble de la Cour diverge fondamentalement des constats de la CGT et des besoins des agents publics…

À noter la grande disparité entre les trois versants de la fonction publique, le télétravail ne semblant pas une priorité dans les fonctions publiques territoriales et hospitalières.

2 Concilier avec vigilance l’intérêt du service et les charges immobilières avec le déploiement du télétravail.

Tout est dit dans le titre ! Après le constat partagé du défi stratégique pour les employeurs publics, les agents publics sont les grands oubliés de cette analyse de la Cour.

La Cour insiste sur l’effort budgétaire important déjà fourni en matière de matériels nomades et de fourniture d’applicatifs ainsi que pour dispenser les formations nécessaires. Elle considère à ce titre achevé l’équipement individuel des agents.

Il peut être utile de rappeler la revendication majeure de la CGT en matière d’équipements : les agents doivent disposer en télétravail des mêmes conditions d’équipement qu’en présentiel, ce qui ne se limite donc pas à la fourniture d’un ordinateur portable et des logiciels. Ne pas le faire revient à transférer les coûts de l’équipement sur le budget des agents ! Payer pour télétravailler décemment semble la seule « proposition » faite aux agents publics par leur administration et la Cour des Comptes…

Plus grave, la Cour mentionne explicitement le secteur privé et la réduction des surfaces de bureaux par suite de la mise en œuvre du télétravail à grande échelle, considérant que les employeurs publics devraient enclencher une dynamique similaire si la quotité de télétravail était de 50 % ou de 3 jours par semaine.

La CGT a toujours revendiqué la réversibilité du télétravail, pour raisons professionnelles (nécessité d’échanger en présentiel autour d’un dossier) ou plus personnelles (volonté de recréer ponctuellement du lien avec le collectif de travail). Cette approche d’austérité budgétaire du télétravail ne peut qu’en empêcher la réversibilité, condamnant les agents à une organisation extrêmement rigide et définitive de leurs conditions de travail.

Enfin, la Cour exige que le développement du télétravail prenne nettement en compte l’intérêt du service, dans un mode d’organisation élaboré par l’employeur et non pas dans une optique d’amélioration de la qualité de vie au travail. Là encore, le caractère volontaire du télétravail est une ligne rouge pour la CGT. Par expérience des situations de « volontariat forcé » régulièrement mises en œuvre dans la fonction publique, si l’employeur est à la manœuvre, le respect du volontariat ne sera qu’illusoire…

3 S’assurer de la productivité du télétravail et de l’efficacité des modalités de contrôle des agents.

Dans cette partie de son analyse, la Cour des Comptes affiche une exceptionnelle franchise dans sa vision du travail des agents publics : les agents doivent être sources de productivité et il faut absolument les contrôler ! Au-delà du mépris affiché pour le respect du travail des agents publics, l’absence de prise en compte du caractère spécifique des missions de service public interroge…

Serait-on en présence d’un mauvais copié-collé d’un diaporama de Mc Kinsey, utilisé pour un groupe du CAC40 et négligemment recyclé ??

Toujours dans sa recherche frénétique de productivité, la Cour condamne certaines « pratiques » (dont la transformation des périodes de temps partiel en temps de télétravail) et exige des modalités de contrôle opérantes, osant mettre sur le même plan les raisons de productivité et d’équité entre agents.

4 Le télétravail : une chance à saisir pour améliorer et rénover l’offre publique de services aux usagers

Selon la Cour, les employeurs publics considèrent que le télétravail a pour objectif de construire de nouveaux collectifs de travail centrés sur les résultats. Une fois encore, tout est écrit…Les employeurs publics ayant réussi à mettre en place le télétravail en améliorant la qualité de vie au travail des agents sans dégrader la qualité de service ne satisfont pas la Cour qui demande à dépasser cette « attitude ».

Tirant bien vite la conclusion que la crise sanitaire a permis de familiariser une part croissante de la population aux nouvelles technologies (et occultant, comme souvent dans les hautes sphères, la réalité de la fracture numérique) la Cour enchaîne sur l’utilisation du télétravail pour la participation au service public dans les cas où les déplacements physiques sont difficiles. La comparaison avec la téléconsultation médicale et le télé enseignement pendant la crise est osé…

Il y a fort à parier que cet optimisme béat n’est pas partagé par les parents d’élèves ayant vécu la (dis)continuité pédagogique de la crise sanitaire…

Encore plus fort, la Cour appelle à utiliser le télétravail de manière pérenne pour renforcer l’attractivité de fonctions délaissés par les agents (les intéressés apprécieront probablement cette analyse de la Cour sur leur implication) ainsi qu’à titre transitoire (?) quand il s’agit de déménagements de services ou de mutations géographiques.

Enfin, toujours plus affûtée, la Cour a identifié deux leviers d’amélioration du service à l’usager grâce au télétravail. En premier lieu est proposé un élargissement des plages de contact avec les usagers. Serait-ce une tentative de faire travailler les agents sur leur pause méridienne, la nuit ou pendant les week-ends ? La deuxième proposition (aussi hors sol que la première) est de développer une offre de contact par visioconférence qui deviendrait un quatrième canal de contact avec l’usager. À défaut de fourniture de matériel et de locaux adaptés, comme nous l’avons évoqué précédemment, l’administration envisage-t-elle sérieusement d’organiser des accueils par des agents publics installés dans leur cuisine ou leur garage ?

En conclusion, ce rapport constitue une grave menace pour l’ensemble des agents publics. En effet, basées sur une volonté frénétique de réduction de la dépense publique et négligeant de manière indécente la réalité des conditions de travail des agents publics et leur implication reconnue dans la période écoulée, ces propositions de la Cour des Comptes sont totalement rejetées par la CGT Finances Publiques et seront combattues dans les instances de dialogue social consacrées à ce sujet si important pour l’avenir des agents publics !

Article publié le 16 janvier 2023.


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