vous êtes ici : accueil > Actualités > Opinions

Après le service public

Ce texte date du 28 avril 2021 mais il est plus que jamais d’actualité

En mars, la gendarmerie nationale s’est vue remettre le « prix de la relation client », aux côtés de Toyota, Boursorama, la MAIF et Total, par le cabinet de conseil Bearing Point. Le Ministre de l’Intérieur a immédiatement salué cette distinction, par un tweet[1]. Début avril, la Direction interministérielle du numérique (DINUM) a organisé sur trois jours un événement sur le thème « l’Etat centré usager, c’est possible ! », attirant plusieurs centaines d’inscrits. Sans présumer du mérite des gendarmes ni nier que le numérique public gagnerait à mieux prendre en compte ses usagers, ces deux événements nous ont interpellé : il ne va pas de soi qu’un Ministre ne trouve rien à redire à l’assimilation des citoyens à des « clients », ni qu’une direction interministérielle affiche que la vocation de l’Etat est de se centrer sur des « usagers ».

Ce glissement apparemment anodin, à l’œuvre au moins depuis 2007, nous semble mériter discussion.

Le décalage est fort entre la vocation de certains « services » publics et l’idée d’un service rendu à une personne – un client. Prenons les gendarmes et mettons que leur mission puisse être résumée, peu ou prou, par la préservation des conditions de la vie en commun sur certaines parties du territoire national, la protection des plus vulnérables et la participation à la « tranquillité publique ». On se moque alors un peu de savoir combien de temps on attend à l’accueil de la gendarmerie, ou si on nous y offre un café. Nous sommes en revanche très intéressés par l’évolution du nombre de crimes et délits du territoire, au nombre d’enquêtes élucidées ou à la capacité à recueillir les plaintes de femmes victimes de violence dans un cadre sécurisant (par exemple). Autant d’objectifs qui rentrent mal dans une « relation client » calquée sur les vendeurs de téléphone ou d’assurances.

En parlant ainsi de « relation client », on banalise le « service » public. Ce n’est pas un hasard si on trouve dans l’histoire un cabinet de conseil en stratégie et management : c’est précisément cette banalisation qui justifie leurs prestations indifférenciées entre public et privé (la technique, la gestion, le bon sens, l’optimisation, etc.) et leurs honoraires. Or, il y a bien peu de choses communes entre les missions et les principes du service public et les activités servicielles. A commencer, bien sûr, par l’universalité et l’égalité qui devrait guider le secteur public, là où un prestataire de service privé est libre de choisir ses clients. Il est plus facile de faire une appli bien jolie bien fluide bien notée quand vos utilisateurs sont 1/ solvables 2/numériquement à l’aise.

Et puis, dans cette « relation client », quelque chose gratte l’oreille, démange la compréhension. Il est toujours utile de faire un détour par l’étymologie. « Client » vient du latin cliens (serviteur, vassal, protégé), du verbe cliere (obéir). Pas joli joli, pour parler de la relation entre l’Etat (le service public) et les citoyens. De plus, tout comme l’usage plus contemporain du terme client, qui marque la distinction entre un fournisseur et un preneur, cette étymologie brouille les pistes, cache plus qu’elle ne révèle la relation profonde (et ambivalente) qu’entretiennent les citoyen-ne-s avec l’action publique (« l’Etat, c’est moi ! »).

Est-ce si grave ? On vous épargne la citation apocryphe de Camus selon laquelle « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde » (ah, tiens, non, on ne vous l’a pas épargnée, pardon.), mais il nous semble tout de même qu’il y a suffisamment de f(i)louterie dans l’air pour ne pas considérer que tout se vaut, qu’on pinaille en refusant que les mots se substituent les uns aux autres impunément et qu’un chômeur est le client de Pôle emploi ou qu’un malade du covid est client de l’hôpital. Et si tout cela était le symptôme d’une certaine confusion, plus ou moins volontaire, sur le sens de l’Etat et du « service » public ?

Prenons, à titre d’exemple supplémentaire, le site « Résultats services publics », mis en ligne en juin 2019. Son ambition est de « refléter au mieux la qualité de service des différents services publics, tels qu’ils sont rendus ». Passons ici sur la profusion problématique d’indicateurs, dans le public comme dans le privé, dont les agents publics et leurs partenaires crèvent (parfois, littéralement).

Ce qui est mesuré et affiché sur ce site démontre une conception particulière des objectifs des « services » publics. Voyez un peu : pour juger des résultats de la police, on ne mesure pas le niveau de sécurité, de tranquillité ou de confiance d’un quartier, mais le « délai d’intervention » et le taux d’obtention d’un rendez-vous dans les 10 jours (sic). Pour l’enseignement agricole, on ne mesure pas l’adéquation entre les compétences des nouvelles générations et les défis alimentaires et environnementaux, mais…la réussite aux examens. Idem pour l’Éducation nationale. Pour l’administration pénitentiaire, on mesure le « taux de satisfaction de la qualité de service rendu » (sic) et le « taux des réservations de RDV parloirs effectuées à la borne dédiée » (re-sic).

Si certains de ces indicateurs peuvent avoir de l’intérêt, en faire l’aune à laquelle mesurer l’efficacité des services publics paraît, disons, décalé. A minima, on confond ici finalités (le site s’appelle « résultats ») et moyens. Plus encore, chercher à mesurer ainsi ministère par ministère (à peu près) empêche de penser (et donc détruit) les liens de dépendance qu’entretiennent entre eux les services publics : la sécurité et le sentiment de sécurité, par exemple, se construisent au moins autant via l’école, l’accès aux droits sociaux et les associations d’éducation populaire correctement financées, que par la police. Les « compter » séparément revient à nier la complexité du réel et à affaiblir l’action publique qui, justement, est la seule à pouvoir penser et favoriser ces liens.

Considérant les exemples qui précèdent comme symptomatiques d’une crise sémantique qui est aussi politique[2], risquons une hypothèse de travail. Le terme de service public est abîmé par des années de réforme de l’Etat sauce « nouveau management public ». Il souffre d’une homonymie irréparable avec un secteur des services lui-même en proie à bien des tourments. Il sert de refuge un peu paresseux à la phraséologie de tract de gauche (comme de droite, parfois, au gré des équilibres politiques nationaux/locaux) – on en veut « plus », on veut y « réinvestir massivement », on n’en peut plus de la « destruction de notre patrimoine commun ». Dans ce contexte, le terme de « service » public empêche de bien penser, et donc de bien agir, à un moment où pourtant le « nouveau régime climatique » (B.Latour) devrait nous presser à imaginer les organisations publiques dont nous avons besoin[3].

Entendons-nous bien : il existe toute une littérature de qualité sur les spécificités de la « relation de service » dans la sphère publique[4], et le combat de celles et ceux (agents publics, maires ruraux, collectifs citoyens…) qui veulent « plus de service public » est parfaitement légitime.

Mais ce dont nous avons besoin aujourd’hui, collectivement, et donc ce que nous doit la puissance publique (ce que nous nous devons à nous-mêmes), dépasse sans doute un « service », fut-il public. La violence des chocs économiques, sociaux, politiques et sanitaires qui percutent/vont percuter les territoires et les personnes les plus vulnérables, l’ampleur des changements à conduire à un rythme plus que soutenu dans notre appareil productif et nos comportements, la nouveauté et l’urgence du défi qui consiste à réinsérer l’humanité dans le vivant, l’impatience et l’ambivalence de chacun-e d’entre nous face à ce qui nous attend, le besoin d’imaginer, concevoir, faire vivre des communs de toutes natures… Rien de tout cela n’est vraiment abordable par le prisme du « service » dont on mesurerait l’efficacité via des « taux de satisfaction » (agrégés à partir d’une borne de boutons-smileys). Rien de tout cela ne sera résolu par des interfaces numériques plus user friendly (ça n’empêche pas de le faire, il faut même le faire, mais de là à « centrer l’Etat » sur cet objectif…). Rien de tout cela n’est vraiment abordé dans la modernisation/transformation publique des 15 dernières années.

Pour faire face à ce qui est et à ce qui vient, nous ne croyons ni aux colibris, ni à la conversion du capitalisme à « l’entreprise à mission » ou à l’économie sociale et solidaire version grand groupe omnipotent. Au mieux, cela ne suffira pas, au pire, cela nous fait perdre du temps. L’action publique (au-delà du seul Etat), par ses principes fondateurs (continuité, mutabilité, égalité), par son lien consubstantiel – bien qu’affaibli – à la démocratie et, de façon plus pragmatique, par sa « puissance de feu[5] », a un rôle central à jouer pour nous faire faire les pivots historiques nécessaires en limitant au maximum les souffrances, les injustices et les externalités négatives.

Alors, plutôt que de nous « rendre service », que pourrait faire l’action publique ? Nous proposons ici quatre responsabilités publiques, correspondant à autant de besoins sociaux et écologiques contemporains : le soin, l’institution, la ressource et l’investissement. Ces responsabilités, dans leur nombre et leur nature, sont largement à débattre.

1. Le soin, pour reconnaître et outiller le champ d’action publique du « care », qui a pris une importance particulière avec la pandémie mais lui précédait largement, tant du fait du vieillissement de la population, que de la montée en puissance des maladies chroniques et des aspirations nouvelles de la société en matière de fin de vie, procréation, égalité des droits intimes, etc. On retrouve ici, renouvelées, les aspirations qui ont présidé aux acquis sociaux puis à la protection sociale, avec l’idée simple selon laquelle nous souhaitons collectivement prendre soin de celles et ceux qui en ont besoin : enfants, précaires, victimes de violences, exilés, personnes âgées… On peut, pour tenir compte du nouveau régime climatique dans lequel nous vivons et, plus généralement, de la crise du vivant et de la biodiversité, y intégrer le soin que nous devons aux territoires comme milieux de vie – et pas seulement comme terrain de jeu du développement de l’économie de marché (artificialisation des sols, dumping fiscal) et de la concurrence entre collectivités locales (marketing territorial). Là où le XXe siècle a plutôt vu cette responsabilité portée à un niveau national (création de la sécurité sociale, etc.), il s’agit sans doute de rapprocher aujourd’hui cette responsabilité du sol, tout en lui conservant un cadre et des ressources globales. Qu’il s’agisse de prendre soin de la forêt du Morvan, des exilés qui campent aux portes de Paris ou des professionnel-le-s qui prennent soin de nos aînés dans les EHPAD ou de nos malades à l’hôpital, on voit bien que l’Etat est – a minima – maladroit et qu’il y aurait, peut-être, une vertu, à traiter de ces sujets à des échelles plus communes – au sens où le commun y serait plus intense. En lien avec la « responsabilité publique » suivante, on peut aussi insérer ici le soin du futur, et donc des capacités de prospective démocratique et de gestion des risques distribuées.

2. L’institution, pour nous faire tenir ensemble. On entend ici, par « institution », ce qui permet de donner un sens partagé au réel, et d’organiser dans le temps tout ou partie de la société en fonction de ce sens. Il y a là un paradoxe : une institution tendrait plutôt à « maintenir » un état social, à rebours de notre besoin de faire évoluer très rapidement le corps social pour à la fois limiter et être à la hauteur des changements écologiques en cours. Le paradoxe est d’ailleurs le même pour l’Etat, dont l’étymologie latine stare renvoie la permanence et à la stabilité. Qu’à cela ne tienne : il reste donc à imaginer l’Etat dont la vocation serait de changer plutôt que de demeurer (le « Devenirat » ?), et l’institution qui favoriserait la cohésion dans la transformation.

Aujourd’hui, la distinction de plus en plus radicale entre la réflexion institutionnelle (au sens constitutionnelle et démocratique) et la transformation publique est problématique, car l’une sans l’autre s’avère dysfonctionnelle. Une Convention citoyenne sur le climat qui travaille « indépendamment » des administrations et des collectivités locales voit ses recommandations détricotées a posteriori par les Ministères, dans un séquençage mortifère qui représente d’ailleurs une limite majeure aux exercices de participation citoyenne tels qu’il s’en déroule des milliers en même temps sur tout le territoire. A l’autre bout du spectre, un système scolaire (ou judiciaire ou policier ou universitaire…) qu’on essaie d’évaluer par les « résultats » (au bac ou en matière de taux de satisfaction) perd sa capacité à instituer le réel, à créer du commun et donc à tenir la société ensemble par une voie démocratique (donc faisant toute leur place aux conflits sociaux) plutôt que totalitaire (niant la légitimité et l’existence de ces conflits). La longue actualité de la pandémie révèle aussi crûment l’inadéquation des institutions actuelles de la cinquième République avec le besoin de sens partagé et d’organisation du monde.

Cette responsabilité publique, dans laquelle entreraient notamment les enjeux de justice, de police, de démocratie et – en lien avec le « soin » – de prospective, ne vient pas par hasard en seconde position : il nous semble y avoir un besoin d’instituer le réel à un niveau infra-étatique, notamment pour mieux intégrer la question écologique et, par exemple, pour entendre et donner suite à un travail comme celui que Bruno Latour et son équipe mènent pour produire l’équivalent des « cahiers de doléances », c’est-à-dire la description par les habitants d’un territoire de leurs liens de dépendance.

3. La ressource, pour fournir l’ingénierie et l’expertise indispensable à la résolution démocratique des problèmes contemporains par les individus et les collectifs. Bien qu’il s’agisse d’un pan de l’action publique étatique particulièrement mis à mal ces 10 dernières années, l’Etat conserve une expertise qui « est encore de haut niveau, et d’un niveau qui reste bien supérieur à celle de beaucoup de collectivités locales sur des sujets comme l’énergie, la biodiversité, les risques majeurs.[6] »

Surtout, il y a là un gisement d’utilité et de légitimité colossal pour tous les niveaux d’acteurs publics – certains l’ont d’ailleurs bien compris : la Région Bourgogne-Franche-Comté lance son propre programme « Villages du futur », pour fournir à des villages ruraux l’ingénierie pour revitaliser les centre-bourgs par les usages et par la vie (plutôt que par le BTP, comme le programme « Actions cœur de ville » de la Caisse des dépôts) ; la Métropole européenne de Lille accompagne le CHU de Lille dans sa stratégie de protection des données, le Conseil départemental du Gers qui accompagne les initiatives locales et donc les communes et EPCI via son budget participatif…

Demain, un effort pourrait être fait, par exemple, pour accompagner (réellement) les particuliers et les entreprises dans le diagnostic et la rénovation énergétique de leurs bâtiments (il est temps). Demain, un collectif mixte citoyens – collectivités locales devrait pouvoir trouver auprès des acteurs publics du soutien technique (et financier, mais c’est le point suivant) pour se doter de moyens de production d’énergies renouvelables ou reprendre collectivement la ferme d’un agriculteur partant à la retraite pour la convertir au bio et, pour partie au moins, à la satisfaction des besoins (alimentaires) et des aspirations (paysagères et écologiques) locaux. De même, l’ingénierie de base pour organiser la délibération collective sur un territoire devrait être accessible à tous les territoires et à tous les collectifs.

Si les Pays, pour ce qu’il en reste, fonctionnent en partie selon cette logique de ressources, et si les Régions commencent à raisonner ainsi et à se doter d’une expertise qu’elles mettent au service des acteurs (publics ou non) de leur territoire, la logique est loin d’être généralisée – notamment parce qu’elle heurte autant une conception traditionnelle de l’agir public (décider/faire) que les dogmes du nouveau management public (faire faire par le privé). Il nous semble qu’il y a là, en particulier pour les Régions, les Métropoles et les Départements (voire les EPCI), matière à trouver un rôle politique vertueux dans les années qui viennent. L’Etat central, quant à lui, pourrait systématiser cette manière de faire – en germe sur certaines politiques publiques comme « l’inclusion » numérique – en actant que dans bien des domaines, son utilité est d’appuyer et d’accompagner les décisions et actions des acteurs de terrain, grâce à une expertise hors de leur portée.

4. L’investissement, enfin, pour faire pivoter des pans entiers de notre économie à la hauteur des impératifs climatiques. Il est temps d’abandonner la chimère de « l’Etat stratège », manière des néo-libéraux d’appeler l’Etat qui finance sans limite les besoins des acteurs privés sans guère peser sur leur stratégie, pour remettre les acteurs publics – on parle ici principalement de l’Etat et des Régions, mais les autres peuvent jouer aussi – en position d’influer sur le cours des choses à la hauteur de leur puissance de feu financière et des besoins. Prenons l’exemple de la conversion du parc automobile français (38 millions de véhicules, première source d’émission de CO2) : au rythme de 500 000 conversions par an encouragées par la « prime » étatique, combien de temps faudra-t’il pour disposer d’un parc aligné avec les objectifs de l’accord de Paris ?

Ces quatre responsabilités, sans doute à affiner et compléter, ne dessinent pas des « compétences » à répartir entre chaque niveau de collectivité. Si le soin paraît devoir être fortement investi par les échelons les plus locaux, et si l’investissement à la hauteur des bouleversements nécessaires de nos modes de transports (par exemple) semble davantage à la portée de l’Etat et de l’Europe, il semble fertile de penser que l’action de chaque niveau d’acteur public devrait démontrer un sens de chacune des responsabilités, dans des proportions variables. C’est indispensable pour éviter un renforcement de la tendance actuelle de la décentralisation, de la réforme des cartes électorales et de la réduction des effectifs publics, qui éloignent les responsables publics du terrain et des problèmes.

Il ne s’agit pas non plus de considérer que les acteurs publics doivent agir seuls en vertu de ces responsabilités. Il y a un pan entier de la transformation publique à inventer, pour que l’Etat et les collectivités locales apprennent par exemple à travailler avec la société civile – c’est de plus en plus urgent et les tentatives, jusque-là, sont soit violemment contrariées (le programme « Culture Transition » au Ministère de l’écologie au milieu des années 2010) soit marginales (la collaboration Etat/collectivités/société civile dans la lutte contre la pandémie) soit en gestation encore incertaine (le plan Gouvernement ouvert 2021-2023 de la France).

En fait, on peut peut-être trouver dans l’ensemble constitué par ces quatre responsabilités une matrice d’aide à la décision, voire un canevas utile pour la conception[7] – le « design » ! – de politiques publiques. Quels impacts aura ce choix d’investissement massif européen ou national sur une technologie, en termes de capacité à prendre soin, en matière de cohésion sociale et en capacités d’action supplémentaires ou amoindries pour les niveaux infra ? Comment conférer aux dispositifs de soin des personnes âgées du territoire une dimension institutionnelle, au sens où ils donnent du sens au réel et resserrent les liens sociaux ?

C’est aussi une manière d’analyser les « réformes » et d’en mesurer l’utilité. Prenons-en deux, récentes ou à venir, du Ministère du travail. La mise en place du dispositif « Transitions collectives », qui vise à identifier des emplois fragilisés dans une entreprise A dont l’activité décline (par exemple, un sous-traitant du nucléaire ou un transporteur routier) pour former les salariés qui l’occupent (l’Etat finance jusqu’à 24 mois !) à un métier dont une entreprise B du même territoire a fait savoir qu’elle était en demande (par exemple, dans le soin ou les énergies renouvelables), paraît utile en termes de soin (à double titre : on prend soin des personnes et on forme, entre autres, aux métiers du soin), d’institution (on pense à une échelle collective et territoriale), de ressource (on créé des outils à la dispositions des entreprises et des personnes) et d’investissement. Plutôt une réforme intéressante, selon nos quatre responsabilités, pour peu que les « formes de la réforme » en assurent la désirabilité et donc le recours. A contrario, le projet de réforme de l’assurance chômage, en pleine crise, paraît moins opportun si on le passe au prisme du soin, de l’institution, de la ressource et de l’investissement.

Pour conclure, il nous semble y avoir là aussi matière à aider les agents publics, à renouer avec leur vocation individuelle et collective. On devient rarement fonctionnaire ou contractuel de la fonction publique pour être prestataire de services. On fait ce choix justement parce qu’on a le souhait de participer à quelque chose de plus grand que soi et d’indispensable – le destin d’un pays qu’on aime, l’émancipation du plus grand nombre, l’assistance à celles et ceux qui en ont besoin, et/ou tant d’autres raisons possibles. A cet égard, la dégradation des conditions de travail des professeur-e-s, policier-e-s, soignant-e-s, secrétaires de mairie, personnel d’accueil, inspecteurs en tous genres, peut aussi être lue comme l’effet d’un grand malentendu sur ce qu’est, ce que peut être et ce que doit être l’action publique aujourd’hui.

Pour lever le malentendu, cela mériterait bien un débat national démocratique… Pourquoi pas dans le cadre des campagnes électorales de 2021 et 2022 ? Candidat-e-s, quel projet avez-vous pour l’action publique – donc pour nous tous-tes – dans les 10 ans qui viennent ?

Article publié le 6 janvier 2023.


Politique de confidentialité. Site réalisé en interne et propulsé par SPIP.