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Industries de l’agroalimentaire et distributeurs : leurs profits se feront toujours sur le dos du peuple

De nos camarades "unité CGT"

Le 7 septembre, l’Insee a publié ses prévisions concernant l’inflation pour l’ensemble de l’année 2022, qui devrait enregistrer une hausse de 5,3%. L’Insee a remarqué que la composition de l’inflation tendait à changer de nature : les prix alimentaires vont devenir les premiers contributeurs à la hausse des prix (devant ceux de l’énergie et des services), avec une hausse estimée à 12% à la fin de l’année.

On enregistre en effet une hausse considérable du prix de tous les produits alimentaires, avec un taux d’augmentation accru pour les aliments de base : déjà au mois d’août, les pâtes alimentaires 1er prix avaient augmenté de 47%, la viande de 29%, l’huile d’olive de 42% et le beurre de 22%.

Tout indique que la vie chère et les lots de malheurs qu’elle charrie pour des millions de travailleurs sont partis pour durer. Les effets de cette hausse des prix sont connus et multiples : ils sont principalement le reflet des hausses de tarifs exigées par les industriels pour faire face à l’envolée du coût des matières premières, agricoles comme non agricoles (puisqu’il faut prendre en compte les coûts de l’énergie, des transports, des emballages…). Cette envolée a 3 facteurs principaux : la reprise économique post-Covid, qui a entrainé une forte hausse de la demande, alors même que l’offre mondiale était trop désorganisée pour pouvoir y répondre ; les mauvaises récoltes dues à la situation climatique extrême ; la guerre en Ukraine enfin, qui a accéléré l’inflation plus qu’elle ne l’a créée, et ses conséquences considérables sur les prix de l’énergie, des céréales et des engrais. Ces phénomènes se cumulent et provoquent, en plus de leur effet sur l’offre, un effet de panique qui pousse les Etats et les entreprises à constituer des stocks, qui alimentent en retour l’inflation en cours.

Confrontés à la hausse du prix des matières premières, qui rentrent dans la composition du prix avec la part des salaires et les profits engrangés que les capitalistes souhaitent conserver et accroître, les industriels de l’agroalimentaire veulent augmenter le prix de vente de leurs marchandises auprès de la grande distribution. La négociation des prix alimentaires entre industriels et distributeurs a lieu tous les ans, du 30 novembre au 1er mars : on y discute des prix auxquels les distributeurs vont acheter les marchandises des industriels pour les revendre ensuite les revendre aux consommateurs dans leurs grandes enseignes. Ces négociations font naturellement l’objet d’un véritable rapport de force entre industriels et distributeurs, mais elles furent cette année particulièrement vives. Un rapport de juillet 2022 de la Commission économique du Sénat va même jusqu’à faire état d’une tension inédite entre ces deux franges de la bourgeoisie, où chacune tente de défendre et de maximiser son taux de profit au détriment de l’autre.

Pour protéger leur taux de profit, les industriels de l’agroalimentaire répercutent la hausse des coûts de production sur le prix de vente de leurs marchandises tandis que les distributeurs, de leur côté, répercutent cette augmentation, d’une manière ou d’une autre sur le consommateur. Un exemple du cycle sans fin de la spéculation capitaliste à différentes échelles, et dont le travailleur est l’éternel victime.

Dans ce contexte, certains, parmi lesquels des patrons de la grande distribution (dont Michel-Edouard Leclerc, président du groupe Leclerc), ont accusé publiquement les industriels d’avoir profité de la confusion liée au contexte d’inflation pour gonfler leurs prix au-delà de l’augmentation réelle de leurs coûts de production, afin d’obtenir des profits records. Pour l’heure, aucune enquête comptable disponible ne permet de trancher : la dernière étude de l’Insee sur le taux de marge des entreprises de l’industrie alimentaire ne prend pas en considération les hausses de tarifs demandés par les industriels en mars dernier. Du côté des syndicats agricoles et des pouvoirs publics, rien n’a permis de conclure à un gonflement artificiel systématique des tarifs demandés par les industriels.

Ce qui ne veut bien entendu pas dire que de telles majorations de prix indépendantes de la hausse des coûts de production n’existent pas. On note ici et là des augmentations suspectes, variables selon les fournisseurs (de +8% à +12% pour l’eau minérale, de +3% à+15 sur les glaces…). Entre autres choses, l’association Foodwatch a dénoncé la multiplication ces dernières années des pratiques consistant pour les industriels à réduire discrètement les quantités de leurs produits pour masquer leur hausse de prix, permettant à ces industriels de maximiser leur marge et constituant à ce titre une véritable inflation masquée et une ponction directe sur le revenu des travailleurs.

Il faut garder en tête que les grandes enseignes ont tout intérêt à refuser l’augmentation des tarifs d’achat des marchandises industrielles en les prétendants injustifiés, afin de protéger et de maximiser leurs propres marges. Lors des négociations, certains industriels se sont plaints du fait que les distributeurs n’hésitaient pas à augmenter les prix dans les rayons alors même qu’ils avaient refusé les hausses de tarifs lors des précédentes négociations, certains distributeurs allant jusqu’à rompre le contrat pour continuer à acheter les marchandises des fournisseurs à l’ancien tarif, tout en gonflant eux-mêmes leurs propres prix.

Dans cette situation, on peut légitimement s’attendre à ce que les distributeurs répercutent bel et bien et de plus en plus les hausses tarifaires accordées aux industriels sur les prix des rayons. Les distributeurs ont tout à gagner à le faire : les 2 ans de pandémie ont été très profitables à leurs bénéfices. Les distributeurs sont actuellement loin d’être pressurisés par la situation et n’ont donc pas besoin de maintenir coûte que coûte leurs volumes de vente en abaissant les prix. A titre d’exemple, Leclerc a augmenté de 6% son chiffre d’affaire durant la crise sanitaire, dépassant les 50 milliards d’euros pour la seule année 2020. Selon, Capital, en 2019, la marge nette du groupe s’élevait jusqu’à 1,9%, soit près d’un milliard de bénéfice sur l’année. Son concurrent Carrefour a rendu public un résultat financier de 34 milliards d’euros en 2020, dont 383 millions reversés en dividendes à ses actionnaires (2,1 fois plus que les 183 millions versés l’année précédente).

La flambée des prix à la consommation, et des prix alimentaires en premier lieu, résultat de la lutte des gros industriels et des gros distributeurs pour maintenir sinon maximiser leurs taux de profit, signifie dans les faits une intensification de l’exploitation des travailleurs.

L’augmentation des prix dans les rayons et l’inflation en cours sont un des mécanismes par lesquels les différents secteurs de la bourgeoisie cherchent à défendre leur taux de profit. L’inflation est une exploitation détournée, une exploitation qui ne dit pas son nom mais qui, en contribuant à l’érosion du pouvoir d’achat des travailleurs, diminue la part du produit social qui lui revient, tout en accroissant celle revenant au capital.

Cet immense recul de nos droits et conditions de vie et de travail impose un constat simple, le capitalisme et son mode de fonctionnement chaotique est un danger permanent pour nos vies et nos familles. Il y a urgence à imposer de vraies solutions à un problème qui ne tombe pas du ciel. Le tour de passe de passe des chèques et autres pseudo ristournes coute bien trop cher pour son rôle d’opération d’enfumage.

La solution est évidente : pour répondre en priorité aux immenses besoins du peuple, il faut une politique de progrès social : bloquer les prix, augmenter les salaires et rétablir l’échelle mobile des salaires, socialiser, c’est-à-dire placer entre la direction économique mais surtout politique des travailleurs et usagers, l’ensemble des entreprises des secteurs prioritaires, comme l’énergie, les industries chimiques, les industries agroalimentaires, les grands distributeurs, les transports…

Article publié le 24 octobre 2022.


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