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Politique, politicaillerie, ou petits arrangements à "gauche"

Lorsqu’il a quitté le parti socia­liste en 2008, Jean Luc Mélenchon a sus­cité un réel espoir chez des cen­tai­nes de mil­liers de Français. Il affir­mait par cette rup­ture son oppo­si­tion au cours libé­ral qui s’était emparé du Parti socia­liste depuis déjà quel­ques décen­nies, et son refus de conti­nuer à par­ti­ci­per à cette poli­ti­caille­rie sans prin­ci­pes dont les fins de congrès du PS, mar­quées par des syn­thè­ses impro­ba­bles, étaient deve­nues l’illus­tra­tion par­faite.

Aujourd’hui, le leader de la France insou­mise se retrouve à la tête des quel­ques 20% des suf­fra­ges qui se sont portés sur la France insou­mi­ses, des 25 à 30% regrou­pés par la « gauche » dans son ensem­ble. Ce score signi­fie sans nul doute une vic­toire pour le leader de la F.I., vic­toire acquise dans les faits sur les décom­bres de la gauche, toutes ten­dan­ces confon­dues, mais vic­toire en réa­lité bien illu­soire. Sur le plan électoral, la France insou­mise a réa­lisé ses scores dans les quar­tiers com­mu­nau­ta­ri­sés, notam­ment où l’isla­misme est déve­loppé, et dans les cen­tres-ville auprès d’une petite bour­geoi­sie aisée bien plus sen­si­ble à « l’anti-fas­cisme » clamé à hue et à dia qu’à la ques­tion sociale qui concerne les ouvriers et les sala­riés.

Dans ces condi­tions, il est pro­ba­ble que le mirage « Mélenchon pre­mier minis­tre » une fois passé, il ne reste pas grand-chose de cette élection pour aider les cou­ches popu­lai­res. En effet, hors d’une situa­tion électorale, cela ne cons­ti­tue pas un parti, ni même un ras­sem­ble­ment, ni même un "ras­sem­ble­ment gazeux", per­met­tant d’inter­ve­nir effi­ca­ce­ment dans la vie.

Une semaine seu­le­ment après les déchi­re­ments qui ont conduit à une pléiade de can­di­dats se récla­mant de la gauche pour l’élection pré­si­den­tielle, après des rela­tions ten­dues à l’extrême, voilà que l’unité serait retrou­vée dans la pers­pec­tive des légis­la­ti­ves.

Certains se ris­quent à vou­loir com­pa­rer 2022 à 1936, le « bloc popu­laire » au Front popu­laire. Pourtant, les deux situa­tions n’ont stric­te­ment rien à voir.

  • En 1936, c’est sur la base d’un parti com­mu­niste et d’une SFIO très forts que se réa­lise l’unité, et sur­tout la base d’une mobi­li­sa­tion popu­laire qui loin d’être défiante à l’égard de ces partis les pousse à réa­li­ser le néces­saire.
  • En 2022, les PS et PCF connais­sent leurs der­niers sou­bre­sauts avant de tomber dans la frange grou­pus­cu­laire des orga­ni­sa­tions des­ti­nées à faire de la figu­ra­tion.

Le bloc qui en découle est sans prin­ci­pes et illus­tre assez bien la poli­ti­caille­rie que Mélenchon disait vou­loir fuir en 2008. Certaines inves­ti­tu­res sont révé­la­tri­ces, de Bouhafs à Rousseau en pas­sant par une série de verts ou socia­lis­tes macron-com­pa­ti­bles. Contrairement à l’argu­ment offi­ciel qui place le pro­gramme au centre de cette unité de façade, toutes les ques­tions un peu sérieu­ses sont éludées ou igno­rées, avant l’échéance électorale, tel­le­ment les posi­tions sont diver­gen­tes.

Sur le nucléaire, les uns veu­lent en sortir, les autres ren­for­cer le parc des cen­tra­les.

Sur l’Europe, les uns dési­rent déso­béir si néces­saire, les autres faire allé­geance et ne contra­rier en rien la cons­truc­tion euro­péenne, l’Union euro­péenne et l’euro.

Sur l’Ukraine, les uns prô­nent une solu­tion diplo­ma­ti­que lors­que les autres applau­dis­sent la livrai­son d’armes aux Ukrainiens et de fait la pour­suite de la guerre.

Sur la sécu­rité, les uns reconnais­sent la néces­sité et l’action de la police répu­bli­caine lors­que les autres ne sont adep­tes que du « police par­tout, jus­tice nulle part ».

Sur la laï­cité, les uns s’appuient sur l’isla­misme lors­que les autres refu­sent toute com­pro­mis­sion…

Sur la ques­tion sociale, il y a autant de dis­tance entre les uns et les autres qu’entre les par­ti­sans des « lois tra­vail » socia­lis­tes et leurs oppo­sants…

Les prin­ci­pes ont beau dos. Il y a fort à parier qu’une fois l’échéance électorale passée, tout cela volera en éclat. Les peti­tes bou­ti­ques par­le­men­tai­res sur­vi­vront sans doute avec des grou­pes, des bureaux, et des moyens alloués. Mais la réa­lité de la vie n’aura que faire de ces repré­sen­ta­tions.

La lutte des clas­ses, qui s’est expri­mée de façon défor­mée sur le ter­rain électoral, aura tout le loisir de repren­dre ses droits, ras­sem­blant dans un même mou­ve­ment l’immense majo­rité des sala­riés, des ouvriers, des jeunes, des retrai­tés, des tra­vailleurs dépen­dants et indé­pen­dants. Comme cela s’exprime à la moin­dre occa­sion, "le plus tôt sera le mieux" …

Jacques Cotta
Le 15 mai 2022

Article publié le 30 mai 2022.


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